La routine n’existait plus pour la standardiste du foyer de voyance par téléphone gratuite. Chaque aube paraissait découpée en fragments qui se répétaient, se déformaient, revenaient avec des nuances à souffrance perceptibles. Elle observait les petits détails comme un horloger bateleur : les reflets sur une sorbet, les ombrages projetées par une lampe, la texture du café. Tout pouvait être simplement envoi de signal, un déposition. Elle savait sur-le-champ que les appels silencieux n’étaient pas des anomalies, mais des déclencheurs en mesure de réviser le fil de sa continuité propre. Les cadeaux de son de chaque jour perdaient leur durabilité. Le classeur qu’elle rangeait à gauche se retrouvait demain à gauche, sans souvenir de l’avoir déplacé. La pile de dossiers sur son bureau diminuait sans qu’elle les échange. Chaque envoi d'information non répondu enclenchait une autre permutation. La voyance gratuite immédiate se manifestait dans les marges de sa biographie, agissant comme par exemple une signification secrète, fluide, qui modelait l’ordre incidents sans jamais s’imposer frontalement. Dans son journal, elle traçait des cercles imbriqués, des formes géométriques qu’elle ne comprenait pas fortement mais qu’elle reproduisait de rappel, par exemple si elles lui avaient s'étant rencontré transmises entre deux sonneries. Elle superposa plusieurs lignes de son carnet et découvrit que les icônes formaient un réseau. Chaque niveau correspondait à un appel, tout ligne à un effet. Elle consulta d’anciens documents du foyer, dénichés dans une armoire verrouillée. Des fiches jaunies évoquaient un protocole expérimental de voyance gratuite immédiate datant des vies 1970. Le texte mentionnait une ligne parallèle, attribuée à des « consultations réticulaires », censés joindre hommes et femmes non par le contenu de la note, mais par leur résonance intime. Elle s'aperçut que sa ligne faisait éventaire de ce programme. Mais elle était la seule à en être affectée. Ou toutefois la seule encore dans la possibilité d’en détecter les effets. La ligne devenait une limite mouvante entre ses mémoires, ses recouvrement et ses présentes. Elle traça sur un mur blanc un dernier diagramme. Une spirale de chiffres, tous liés à de quelques instants vécus. Elle se demanda si la possible corne serait celle de la stabilisation… ou celle de sa dissolution complète. Et dans ce doute, elle attendait, régulier, au cœur d’une voyance par téléphone gratuite qui ne cessait de la réécrire.
